Une histoire de Jérusalem

A l’heure de la reprise du conflit israélo-palestinien suite aux attaques terroristes du 7 octobre opérées en Israël par le Hamas, il est plus que nécessaire de se replonger dans le temps long pour comprendre l’histoire d’un lieu. 

A travers une série de podcasts, Histoire de Jérusalem se questionne sur la place et le symbole de cette ville au fil des siècles, “véritable mille-feuilles d’influences cosmopolites”.

Une série à retrouver ici.  

La zone d’intérêt, de Jonathan Glazer (2024)

La sortie au cinéma du film de Jonathan Glazer, Prix spécial du Jury lors de la dernière édition de festival de Cannes, est l’occasion de se demander s’il est possible de représenter la Shoah dans une oeuvre de fiction. Le débat est ancien, débuté notamment par la critique de Jacques Rivette sur le film Kapo (1959) de Gilles Pontecorvo, avant de connaître un vif regain avec la virulente tribune de Claude Lanzmann à l’occasion de la sortie de la Liste de Schindler de Steven Spielberg (1993).  

Sylvie Lindeperg, historienne, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et de l’histoire du cinéma, Ophir Lévy,  maître de conférences en Études cinématographiques et Michaël Prazan, écrivain, réalisateur et documentariste échangent sur le rapport entre cinéma et Shoah tout en disséquant le dispositif visuel et sonore développé par Jonathan Glazer pour reconstituer la vie quotidienne du commandant d’Auschwitz-Birkenau et de sa famille dans leur maison cossue, jouxtant le camp de concentration. 

Un débat à retrouver ici. 

 

Bernard Malamud, L’homme de Kiev, Editions Payot & Rivages, 2015.

« Une chose que j’aurai apprise (…) c’est que personne ne peut se permettre d’être apolitique, et surtout pas un Juif. Impossible d’être juif et apolitique, c’est clair. On ne peut pas rester assis à se laisser tranquillement détruire. Puis il pensa : là où l’on ne se bat pas pour la liberté, elle n’existe pas. »

Ces quelques lignes de l’épilogue de L’Homme de Kiev résument la force qui anime Yakov Bok, protagoniste principal du livre de Malamud. Comme dans toute son œuvre, le lecteur suit le parcours d’un personnage dont la somme des épreuves est autant d’expériences formatrices, dans un récit où s’entremêlent sentiments amoureux, souffrance et rédemption. Yakov quitte son shtetel pour s’installer à Kiev dans l’espoir d’une vie meilleure. Mais la découverte du corps mutilé d’un enfant bouleverse son existence. Oui, parce que Yakov est juif, il est le coupable idéal dans la Russie de Nicolas II, cette Russie d’après la Révolution de 1905 qui voit vaciller le pouvoir du tsar et dans laquelle la peur et la haine de l’Autre s’exacerbent.
Le roman de Bernard Malamud s’inspire de l’histoire du briquetier juif Mendel Beiliss arrêté en 1911 sous le prétexte du meurtre rituel d’un enfant chrétien dont il aurait aspiré le sang pour confectionner des galettes de Pâques. Deux ans plus tard, après de multiples sévices et à la suite d’une vigoureuse campagne de presse, Beiliss est officiellement acquitté faute de preuves et contraint à s’exiler aux États-Unis, où il meurt peu avant la guerre. Cependant, publié en 1966, L’Homme de Kiev fait également écho au contexte de revendications des droits civiques aux Etats-Unis sur fond d’exactions d’organisations ségrégationnistes telles que le Ku Klux Klan.
Dès lors, l’œuvre de Malamud explore les mécanismes de l’inconscient collectif et de l’hystérie populaire dans une société prête à condamner un innocent pour protéger ses privilèges. Si l’auteur développe la thématique de l’antisémitisme, c’est aussi pour mieux condamner toutes les formes d’intolérance, de rejet et de rappeler la nécessité de l’engagement individuel pour défendre l’humanité.
Dans sa préface, Jonathan Safran Foer, note que « notre monde -aussi désespéré et détraqué soit-il- a besoin de roman existentiels, de roman qui nous apportent un bien plus précieux que l’espoir : un appel à l’action. Le véritable réparateur n’est pas Yakov Bok (…). Et ce n’est pas non plus Bernard Malamud (…). Le véritable réparateur, c’est chacun de nous. Nous devons agir. Voilà ce que ce roman, comme tous les chefs-d’œuvre, nous rappelle ».

A NOTER :
Le roman de Bernard Malamud a été adapté au cinéma par John Frankenheimer en 1968, avec Alan Bates dans le rôle de Yakov Bok. Le scénario est signé Dalton Trumbo.

Article écrit à l’origine pour le site Sifriatenou